Mes premiers travaux de recherche ont été effectués en 1965 dans le laboratoire de Physiologie Végétale que venait de créer M. le Professeur G. DUCET à L’Université de Marseille-St Charles. Le sujet de Diplôme d’Etudes Approfondies (D.E.A.) qu’il me proposa : « La mise en évidence chez les végétaux de particules analogues aux lysosomes animaux » me paraissait pratiquement inabordable étant donné le grand scepticisme du monde scientifique d’alors sur l’existence, dans les cellules végétales, d’un système lysosomal analogue à celui qui avait été découvert par C. DE DUVE, en 1955, dans les cellules de foie de Rat.
Compte tenu du fait que chez les animaux la découverte avait été réalisée en utilisant les techniques biochimiques de fractionnement cellulaire suivies d’appréciation d’activités enzymatiques, je résolus d’adopter le même protocole expérimental sur des tiges d’Euphorbia characias. Ce fut l’échec total : en effet, la présence de lysosomes peut être détectée en démasquant la latence d’hydrolases actives à un pH acide. Je détectai effectivement une très forte activité soluble, mais aucune latence dans la fraction particulaire.
En 1986, M. R. BUVAT, membre de l’Institut, créa à LUMINY le laboratoire de Cytologie et de Biologie Cellulaire (INSTITUT DE CYTOLOGIE ET DE BIOLOGIE CELLULAIRE, MARSEILLE-LUMINY (U2). LA C.N.R.S . N° 179.) et me recruta comme assistant. Je décidai alors d’envisager mon sujet de recherche sous l’angle de la Cytologie.
L’essor récent des techniques cytochimiques et autoradiographiques me permit de caractériser cytologiquement des infrastructures riches en hydrolases acides, les phytolysosomes. Par la suite, des recherches conjointes avec ma femme, recrutée par le C.N.R.S. en 1969, nous permirent de révéler la très grande similitude d’organisation des mécanismes lysosomaux chez les animaux et chez les végétaux : leur intervention dans les processus de TURN OVER cellulaire, leur participation plus ou moins efficace dans la restauration d’un état pathologique naturel ou provoqué expérimentalement. Nous pûmes enfin établir par l’utilisation de techniques cytologiques et biochimiques que les « vacuoles végétales » se situent au confluent d’un triple courant de substances :
– un courant hétérophagique amenant des substances captées dans le milieu extérieur,
– un courant autophagique assurant l’élimination continue d’organites vieillis ou devenus inutiles.
– un courant sécrétoire qui déverse dans le vacuome un arsenal d’enzymes digestives véhiculées par les lysosomes primaires.
Des résultats spectaculaires concernant l’intervention des lysosomes animaux dans des cas pathologiques, qui étaient jusqu’alors difficilement explicables (lèpre, silicose du mineur, glycogénose de type II, goutte…), nous ont conduits à envisager l’intervention du système phytolysosomal dans le déroulement des interactions hôte-parasite qui ont souvent une action désastreuse en agriculture.
Nous étudiâmes quatre cas différents d’interaction Hôtes-Parasites :
1° Une interaction Plante/Virus : cas d’une virose du Persil, Petroselinum sativum – Virus flexueux du type Y.
2° Une interaction Plante/Bactérie : Cas du Crown-Gall : tumeur provoquée par l’Agrobacterium tumefaciens sur la plantule du Pois, Pisum sativum.
3° Une interaction Plante/Bactérie. Cas d’une Symbiose : Pisum sativum – Rhizobium -leguminosarum.
Dans tous les cas les tissus agressés font intervenir le système phytolysosomal de leurs cellules et ce avec plus ou moins d’efficacité suivant l’agressivité du pathogène. En effet, les mécanismes de résistance naturelle ou induite par l’agent pathogène sont d’une extraordinaire complexité. Le phytolysosome n’est que l’un des moyens de défense dont disposent les plantes mais il était permis d’envisager un jour l’application d’une thérapeutique lysosomotrope qui présenterait tous les avantages d’une solution biologique aux nombreux problèmes inhérents à l’Agriculture.
Tous ces travaux furent réalisés pour la plus grande partie dans l’Institut de Biologie cellulaire dirigé par M. BUVAT et furent concrétisés par ma thèse de Doctorat d ‘ Etat soutenue en 1971.
Ces travaux furent l’objet de 17 communications à des Colloques internationaux et nationaux (de 1969 à 1980), 40 publications (de 1968 à 1980) et organisation de 3 Colloques de Biologie Cellulaire sur le phytolysosome.
Nommé Professeur à Avignon je créai le Laboratoire de Cytologie et Pathologie Végétales et je fus chargé de la création du Deug Biologie car cette discipline n’existait pas dans cet établissement qui n’était alors qu’un Collège Universitaire dépendant de Marseille.
Parallèlement au recrutement de professeurs et à la mise en place des enseignements, en relation étroite avec l’INRA de Montfavet, je créai donc mon propre Laboratoire de recherche dans lequel je recrutai des enseignants-chercheurs et des thésards de troisième cycle. La première thématique fut :
L’Etude physiologique, biochimique et cytologique des mécanismes de résistance de végétaux cultivés à des champignons pathogènes. La résistance induite. Physiologie du stress
Matériel : Phytophthora capsici Midiou sur Piment Capsicum annuum (deux variétés génétiques respectivement sensible et résistante Yolo et phyo).
Le Mildiou du Piment, dont l’agent pathogène est le Phytophthora capsici, représente l’un des facteurs limitants de la culture de cette solanacée dans tout le bassin méditerranéen. Ce champignon attaque les racines et le collet des plantes provoquant un flétrissement rapide et l’apparition de lésions vasculaires létales à court terme. Les procédés classiques de lutte chimique s’étant avérés insuffisants, des moyens biologiques d’intervention furent recherchés ; résistance variétale ou induction artificielle d’un état résistant. Par un procédé de rétrocroisements, la Station d’Amélioration des Plantes de l’I.N.R.A. de Montfavet avait obtenu une variété de plants résistants au Phytophthora capsici mais ne possédant pas de caractères agronomiques suffisamment performants car ses fruits étaient trop petits pour être commercialisés. Une étude cytologique et biochimique de la résistance des plants fut alors envisagée. La meilleure connaissance de la nature et des mécanismes du pouvoir antifongique présent ou pouvant être induit par le champignon devait permettre d’apporter une solution aux problèmes soulevés par les maladies à Phytophthora.
La découverte des « Phytoalexines » – substances antifongiques et antibactériennes dont la synthèse est induite par l’infection – n’a pas permis d’expliquer la spécificité de la résistance conférée par les gènes majeurs. Mais, en limitant l’invasion des tissus de la plante – hôte, les phytoalexines pourraient accroître la résistance non spécifique des tissus. Chez le Piment, une phytoalexine le « Capsidiol » a été isolée par chromatographie. Les extraits provenant de plantes contaminées présentent une activité antifongique plus forte chez la variété résistante et d’autant plus intense que les tissus prélevés sont plus proches de la zone nécrosée. Le Champignon émet une substance « un éliciteur » qui induit la biosynthèse de phytoalexines par les cellules de la plante. Elle organise ainsi la résistance au champignon en se munissant d’une substance antifongique, souvent de nature phénolique, dont elle était dépourvue auparavant.