Conférence Université du Temps Libre (novembre 2015)
Probablement antérieur aux Évangiles canoniques, le Protoévangile de Jacques le Mineur, demi-frère et disciple de Jésus, relate la conception et la nativité de Marie et celles de son fils Jésus. En fait, l’identité de l’auteur du manuscrit, daté du début du IIème siècle, est inconnue.
Le mythe des vierges-mères.
Cet Évangile pose le problème de la vierge-mère, laquelle pour enfanter un Dieu doit obligatoirement être vierge avant, pendant et après… Le mythe de la conception virginale relève d’un monde matriarcal répandu dans l’antiquité où les dieux n’ont pas besoin des hommes pour donner la vie. La perte de la virginité est un péché : une vierge doit rester pure jusqu’au mariage. En ces temps là, la perte de l’hymen hors du mariage était une faute durement châtiée.
Dans l’antiquité on trouve de nombreux exemples de vierges fécondées par du sperme divin :
En Egypte, la reine Ahmosé est fécondée par le dieu Amon et accouche d’une fille, Hatchepsout, qui montera sur le trône.
En Grèce, Alcmène, la femme d’Amphitryon, est fécondée par Zeus et accouchera d’un demi-dieu : Héraclès. Alexandre le Grand serait le fils de la reine Olympia et du dieu Amon.
En Inde : le Siddhârta Bouddha fut conçu au Paradis de Toushita :
Une nuit, la reine Mayadévi rêva qu’un éléphant blanc descendait du paradis et entrait dans son ventre. L’éléphant blanc qui entrait dans sa matrice indiquait que l’enfant qu’elle avait conçu cette nuit-là était un être pur et puissant. L’éléphant qui descendait du paradis révélait que son enfant venait du Paradis de Toushita, le pays pur de Bouddha Maitreya.
A Rome, Atia fécondée par le serpent/Apollon accouchera d’Octave-Auguste.
En Perse, la mère de Mithra le conçut après avoir été fécondée par une semence tombée de la Lune.
Qui était Marie ?
Fille d’Anne et de Joachim, mère de Jésus, mortelle et sans péché; selon Jacques, Anne était elle-même une vierge-mère. Sa reconnaissance tardive fut spectaculaire : en 1854, le pape Pie IX, par la bulle Innefabilis Deus, décréta le dogme de l’Immaculée Conception. Par cette bulle, Marie a le privilège de ne pas avoir été marquée par la tâche du péché originel. Le dogme de l’Assomption, en vigueur depuis le VIIIème siècle, fut officialisé par l’Eglise catholique en 1950.
Qui était le Père de Jésus ?
Joseph ? un fils de Joseph ou le romain Pandéra (selon Celse écrivain du IIème s), bar Pandera (Talmud) ou bar Yoseph ? De nombreux textes signalent que les femmes juives étaient victimes de viols par les soldats romains. Anne et Marie ont peut-être subi cette humiliation.
Seuls Matthieu et Luc mentionnent Joseph. Était-il de la lignée du roi David ? Selon Luc, il aurait entrepris un voyage de Nazareth à Bethléem où Jésus naît. (recensement de Rome). Selon Matthieu, il est charpentier (tecton) et résidait à Bethléem (?) puis s’installe à Nazareth après la mort d’Hérode. Il évoque le massacre des Innocents et fuite en Egypte ? Joseph est mentionné pour la dernière fois lors du pèlerinage au temple, Jésus à 12 ans. Il est probablement mort avant le ministère public de Jésus.
D’après les synoptiques, Jésus avait quatre demi-frères : Jacques, Joseph, Simon et Judas (Matthieu). Il aurait eu deux demi-sœurs: Lysia et Lydia ?
Pourquoi cet Évangile est-il considéré comme apocryphe par l’Eglise catholique?
Cet évangile fut très lu dans les premiers siècles du christianisme et a fortement inspiré l’Eglise naissante. Il est à l’origine de fêtes liturgiques, de la Conception et de la Nativité de Marie, de l’Immaculée conception, de la Présentation de la Vierge, du Culte marial, de la célébration d’Anne et de Joachim…L’art chrétien s’en est abondamment inspiré dans ses représentations picturales et ses sculptures qui abondent dans les églises. Retour au paganisme, selon Bernard de Clairvaux qui accusait l’Eglise de revenir au culte des idoles !
On pourrait donc s’étonner que cet Évangile n’ait pas été retenu comme canonique. En fait, en insistant sur la pureté d’Anne et de Marie, toutes les deux vierges-mères, le récit qu’en donne l’auteur suggère a contrario que ces deux femmes étaient des filles-mères dont on ignorait le père. En effet, lorsque Joseph, après un long séjour de travail sur les chantiers revient à la maison, il s’indigne de voir que Marie, alors âgée de seize ans, est enceinte et il s’écrie : « Qui a commis ce crime sous mon toit ? Qui m’a ravi la vierge et l’a souillée ?…Qu’as-tu fait là ? Pourquoi t’es-tu déshonorée ? ».
Il fallut donc inventer une histoire que seuls ceux qui le veulent bien peuvent décemment croire. Pour cela, Jacques invente deux femmes faux-témoins qui attestent que Marie fut vierge avant, pendant et après. Et l’une des deux, Salomé, ose affirmer : » aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, si je ne mets mon doigt et si je n’examine son corps, je ne croirai jamais que la vierge a enfanté ! ». Elle met le doigt et confirme l’inconfirmable…
Avec ce faux-témoignage, Jacques permet à Marie d’être la mère d’un Dieu vivant et à Jésus d’être un homme qui devient Dieu. Pour enfoncer le clou, en 1950, bafouant les règles les plus élémentaires du bon sens, elle officialise le dogme de l’Assomption ! Ainsi, au terme de sa vie terrestre, elle serait montée directement au Ciel, âme et corps, sans connaître la corruption physique qui suit la mort.
Jésus, sans aucun doute au courant de ses origines, avait des rapports tendus avec les siens. Ainsi Marc rapporte que « la famille se mit en route pour le prendre en charge, car les gens disaient qu’il avait perdu la raison »
Protévangile de Jacques